Près de 300 filles dans les mains de Boko Haram |
Par Lamine Famara DIEDHIOU
ESSAI D'ANALYSE SUR LA PRISE D'OTAGE DES JEUNES FILLES PAR BOKO HARAM ET LEUR DROIT A L'EDUCATION
Introduction
Depuis plus de mois, le groupe islamiste
Boko Haram du Nigéria, tient en otage, près de 300 adolescentes âgées de neuf à
quinze ans. Le seul crime de ces filles c’est d’être à l’école. Boko Haram,
dont le nom en langue haoussa signifie "l'éducation occidentale est un
péché", est une organisation terroriste, qui vise à instaurer la loi
islamique au Nigéria. Depuis 2009, début de son insurrection armée, le
groupe a multiplié les attaques contre
les écoles. Mais l'enlèvement de ces jeunes lycéennes, suivi d'une
revendication vidéo où Abubakar Shekau, chef de l’organisation, menaçait de les
traiter comme des "esclaves", de les "vendre sur le marché"
et de les "marier" de force, a scandalisé l'opinion internationale et
a suscité une vague de solidarité. Cependant ce coup « d’exploit » de
la secte Boko Haram pouvait être prévisible, d’autant plus que le groupe
islamiste n’était pas à son premier essai de prise d’otage. Car, l’année
dernière le groupe avait pris en otage une famille française, libérée trois
mois après au Cameroun.
Ceci dit, comment est-on arrivé à ce stade ?
En quoi l’éducation pour une fille, quelque soit son origine est un crime en
soit ? Pourquoi plus d’un demi-siècle après l’adoption de la charte onusienne
des droits humains, l’éducation des filles constitue encore un problème dans
certaines contrées ?
Sur les récents événements au Nigéria, nous
essayerons d’abord de voir comment le Boko Haram est parvenu à devenir un
problème majeur. Ensuite se poser la question de savoir pourquoi les femmes
constituent –elles des cibles en période de conflit. Et enfin, s’interroger
pourquoi les conventions et autres pactes en matière de droits des femmes ne
sont toujours pas respectés.
I-
Boko
Haram, une épine au pied du Nigéria
L’insurrection islamiste Boko
Haram est fondée en 2002, par le prédicateur radical Mohamed Yusuf. Son
principal objectif est d’instaurer la loi islamique au Nigéria. Au départ, le
groupe, en dehors de ses sorties virulentes envers l’Etat du Nigéria,
n’entreprenait pas des actions armées. Sa principale revendication est la
création d’un Etat islamique dans le nord du Nigéria, à majorité musulmane.
Parmi les principales raisons
qui ont poussé cette branche armée à se rebeller, peut-on noter l’extrême
pauvreté qui existe dans la partie nord du Nigéria. Mais aussi, la présence des
puits de pétrole dans la zone qui ne profitent pas directement à la population
locale. Une situation qui a entrainé des frustrations et un sentiment d’abandon
de l’Etat. Une situation idéale, saisie par Boko Haram pour se forger une idée
et construire un discours plus ou moins nationaliste voire séparatiste. Le
groupe propose ainsi de rejeter l’occident et toutes ses pratiques, car le
considérant comme la racine de tous leurs maux. Les différents régimes qui se
sont succédé au sommet de l’Etat ont plus ou moins minimisé le problème, en le
réduisant en une simple rébellion interne. Cependant, depuis 2009,
l'insurrection islamiste a fait des milliers de morts, dont près de 2 000,
depuis le début de cette année. Aujourd’hui, le groupe opère par des attentats à la voiture piégée
et des kidnappings. C’est ce qui leur a fallu d’être catalogué finalement par
l’Etat du Nigéria et des Etats Unis comme une organisation terroriste.
II-
Pourquoi
s’en prendre aux Femmes ?
Depuis sa création, Boko
Haram s’en prenait uniquement aux intérêts de l’Etat du Nigéria, ainsi que les
intérêts des puissances occidentales. Des sabotages des pipelines de pétroles,
aux affrontements contre l’armée nigériane, en passant par les attentats contre les
missions onusiennes, en aucun moment, les femmes étaient ciblées. Cependant, le
14 avril dernier, à Chibok, environ 270 lycéennes sont kidnappées dans le dortoir
de leur école par le groupe islamiste. En s’en prenant aux filles, les
islamistes se sont trouvé une nouvelle arme de guerre. Et l’incroyable tapage
médiatique qui s’en est suivi a contribué à renforcer leur image en publicité.
D’ailleurs, le mouvement islamiste voudrait même échanger quelques filles contre
leurs « frères », emprisonnés à Lagos.
Et,
faut-il le reconnaitre, au cours des conflits, la violence contre les femmes
est souvent utilisée comme arme de guerre, pour déshumaniser les femmes ou les
hommes et terroriser la communauté à laquelle ils appartiennent. Le viol et
d’autres formes de violence sexuelle sont utilisés de façon ciblée pour semer
la terreur.
Pour le cas des filles de Chibok les actes
perpétrés par le groupe armé se soustraient complètement à la justice. Les
auteurs ont agit par opposition et/ou par défi au pouvoir central. Ils n’ont
que faire des lois et règlements, instaurant la citoyenneté, la démocratie et
le respect de la dignité humaine, principalement celle de la Femme.
III-
L’éducation
des filles n’est elle pas un droit acquis depuis longtemps ?
Les Nations Unies ont
élaboré des conventions et autres pactes en matière de droit des femmes, afin
de lutter contre la discrimination dont celles-ci sont encore l'objet et
promouvoir l'égalité des droits entre les Hommes et les Femmes.
Parmi ces
textes, nous avons la déclaration universelle des Droits Humains,
la Convention sur 1’é1imination de toutes les formes de
discrimination à 1’égard des femmes et
la Convention contre la discrimination dans l'éducation adoptée le 14 décembre
1960. Nous avons aussi Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard
des femmes (CEDAW). Le but, c’est éliminer la discrimination et
promouvoir l'égalité des chances et de traitement dans les domaines de
l'Éducation.
Le terme
discrimination inclut toute distinction, exclusion, limitation ou préférence
qui serait basée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion... et
dont l'effet annulerait l'égalité de traitement dans l'éducation. Donc, l’acte
de Boko Haram avec ses intentions douteuses à l’encontre des filles enlevées
n’est aucunement louable. Si l’on se réfère aux différents textes précités,
leurs revendications déconstruisent tous les efforts entrepris pour l’égalité
des sexes dans l’éducation.
Faut savoir
également, que la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, tenue à Beijing
en 1995, a réaffirmé que l'exercice des libertés fondamentales pour les femmes
et les filles est une priorité pour les gouvernements ainsi qu'un facteur
essentiel de la promotion de la femme. Elle a mis l'accent sur le fait que les
gouvernements ou même les groupements rebelles comme Boko Haram, doivent non
seulement s'abstenir de violations des droits fondamentaux des femmes, mais
aussi s'employer activement à promouvoir et à protéger ces droits. Car, toutes
les études ont montré qu’il est impossible de nos jours de parler de
développement sans la présence des Femmes. Elles sont devenues des actrices
incontournables à part entière dans les projets et programmes de développement.
Donc c’est un paradoxe voire une utopie de vouloir réduire les femmes à
l’esclavage comme le présume le groupe Boko Haram.
Conclusion
En définitive, nous estimons que,
pour que les droits reconnus aux femmes soient effectifs, il faut que le cadre
juridique de l'égalité entre les sexes soit renforcé un peu partout dans le
monde, notamment au Nigéria. Et il doit se rapprocher des exigences des
différentes Conventions et textes internationaux. Aussi, les mécanismes de
sanction contre les atteintes aux droits de femmes doivent être améliorés et
les tribunaux doivent se montrer plus enclins à garantir le respect de la
législation sur le droit des femmes. Egalement, les gouvernements doivent
reconnaitre la nécessité d'assortir leur législation de dispositions
complémentaires, y compris de réformes sociales, pour assurer la réalisation
des droits des femmes dans les faits.