samedi 17 mai 2014

Veillée religieuse à l’Ucad : le Campus dans tous ses "Coureuls"

Par Lamine Famara DIEDHIOU

Illustration d'un Dahira au Campus social
Généralement considéré comme un espace paisible la nuit, le campus social de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD), s’apparente à un "Magal" ou un "Gamou », les nuits des jeudis. Entre sons et lumières, les « Coureuls » ou « Dahiras » se relaient rimes et pas de danse à ces instants. Ils ont réussi à mettre le campus sens dessus dessous, le temps d’une nuit. Un véritable show qui ne laisse de marbre les passants.
Reportage

21h 30. L’université est transformée en lieu de culte. De l’allée de la petite porte, au pavillon Q, en passant par les pavillons A et B, résonnent des chants religieux. Devant le pavillon des mariés se tient un groupe de jeunes hommes : le "Coureul" mouride. Les jeunes talibés, par terre, font face à face en forme de cercle. Ils psalmodient les poèmes du vénéré CHEIKH AHMADOU BAMBA, fondateur du "Mouridisme". Etonnant de voir que la pénombre et le vent frais de ce soir, ne les ébranlent point. Sur les bancs en béton de l’allée, quelques curieux par ci, un couple par là, observent. Il y a quelques heures, l’endroit refusait du monde, avec les vas et viens des étudiants.
   
Au milieu de ce groupe, un jeune à la trentaine, crâne rasé, grand boubou bleu, crie sur toutes ses forces. « Bamba Merci ! Bamba Merci ! ». Avec sa belle voix, Babacar de son nom, dirige le "Dahira" de ce jeudi. Sa tâche : mener les chants. Au bout de 30 minutes de récital, Babacar se mue en conférencier. Son thème : jeunesse, aujourd’hui. Il fait un long monologue sur les dérives de la jeunesse d’à présent. « L’alcool, la violence, le sexe, affectent notre espace universitaire. Il n’est pas étonnant qu’on découvre des cas d’infanticide à présent, à l’Université. Et il y en aura, si on ne revient pas aux enseignements de Sérigne Touba (…) », martèle-t-il. A ces mots, ses condisciples semblent séduits par le discours. Ils reprennent de plus bel les chants. Malick Dramé, la main collée à l’oreille gauche, enchaîne les poèmes. Il prend ainsi, un malin plaisir à tonner sa voix, qui transcende celles de ses camarades.

   Sur la dernière ligne du groupe se trouve un autre jeune, la vingtaine.  Ses « rastas » lui tombent aux épaules. Adossé sur un des rares lampadaires qui peinent à éclairer cette allée, il filme tous les gestes et mouvements de ses amis avec sa caméra.
    
   22h 30. Le maestro Babacar marque une pause. Il est suivi par le reste du groupe. Au même moment, arrive un jeune homme, aux pas pressés. Il est en retard. D’un geste vif, Aliou, étudiant en première année de lettres, se déchausse et s’installe aussitôt. Les manches de sa chemise retroussées, il suit le rythme du récital en claquant ses petits doigts. 

   A quelques cinq mètres des hommes, se trouve le groupe des jeunes filles. Elles sont facilement identifiables, par leurs voiles multicolores. Elles font face aux garçons. Les têtes baissées, elles chantent en chœur. Mais à voix basse. Aïssatou Sidibé, de taille moyenne, a les mèches qui sortent du voile. Elle est l’une des rares filles qui semblent ne pas s’intéresser à ce que font les garçons. Elle se penche vers sa voisine, lui murmure quelques mots à l’oreille. Toutes les deux s’éclatent de rire. « On aura tout vu dans cette université », lance un observateur de la scène. 

   Tandis que le "Coureul" des mourides prenait sa pause, de l’autre bout du campus, juste devant le pavillon B se tient un autre groupe religieux. Lui, a beaucoup plus d’adhérents. Sur la façade du mur du pavillon, un grand poster du marabout Sérigne Saliou Mbacké est apposé. Au sein de ce groupe, les hommes et les femmes partagent le même espace. Chants, danses, "café Touba" rythment la  nuit. Ce second Dahira est différent du premier par l’organisation et la façon de réciter. Il est beaucoup plus divertissant. L’espace est mieux éclairé. La chaleur des fourneaux de café Touba et des lampes néons réchauffent le public.

   Tel un véritable artiste, Fallou, avec son micro interprète un morceau dédiée au marabout Sérigne Saliou Mbacké. Les camarades tapent sur des sortes de tam-tam. Filles et garçons exécutent des pas de danse à plein régime. Le groupe offre ainsi un spectacle inédit. Les passants sont intrigués. Dans quel pays on est, où la religion rime avec la danse ?, lâche un passant en wolof. En effet, il est très curieux de constater des "prétendus" religieux, effectuer des chorégraphies de danse. Un constat qui écœure Monsieur Diallo, un vieux boutiquier du campus. « Je me demande s’ils ont réellement compris les enseignements des "Sérignes". La danse dans la religion ? Ça n’existe qu’au Sénégal », lance-t-il derrière ses verres correcteurs. Cette jeunesse semble perdue. 

   Le paroxysme est atteint au moment où un très jeune talibé tombe en syncope. Il, jette son livre par terre, et se met à hurler de toutes ses forces. Deux de ses camarades interviennent. Ils finissent par le maîtriser. Au bout de quelques minutes, il retrouve enfin ses esprits. « Gloire à Sérigne Touba », fit-il. « Ses paroles saintes m’ont pénétrées », poursuit-il. Sur ces mots, tout le groupe se met à embrasser la photo du marabout accroché au mur. C’est également le moment choisit par les jeunes filles pour servir le "café Touba". A ces images l’on s’interroge. Au Sénégal, y a-t-il une différence entre religion et secte ? Et entre guide religieux et gourou ? La réponse n’est pas aisée.

   Les deux Dahiras précités ne sont pas les seuls à connaitre une activité ce soir à l’Université. Car, en effet à la grande mosquée, l’on peut entendre les récitals de coran des « Ibadous ». Mais également des chants et « sabars » à la devanture du grand pavillon A, fief des Tiantakounes. Toute une symphonie de chants religieux, qui donne au campus social en une nuit, l’allure d’un « Magal Touba ».

   En attendant que les autorités du Centre des œuvres universitaires et sociales (COUD) trouvent une solution aux Dahiras du campus, les « campusards » pour leur part, continueront de passer des nuits blanches tous les jeudis.
 


International: « Le Monde diplomatique » disparaît…

Avec Le monde-diplomatique.fr   
Quotidiens français dont la plus part reçoivent l'argent du contribuable

A l’évidence, il s’agissait d’une anomalie. Comme nous l’avions rapporté l’année dernière, Le Monde diplomatique figurait à la 178e place des 200 titres de presse les plus aidés par les pouvoirs publics en 2012, très loin derrière Le Monde (1er), Le Figaro (2e), mais aussi Le Nouvel Observateur (8e), L’Express (9e), Télé 7 jours (10e), Paris Match(12e),Valeurs Actuelles (66e), Télécâble Satellite Hebdo (27e), Point de Vue(86e), Closer (91e), Le Journal de Mickey (93e), Gala (95e), Voici(113e), Prions en église (121e), Auto Moto (124e), Mieux vivre votre argent (131e), Détente Jardin (167e), Spirou (172e)...

   L’an dernier, Le Figaro a battu Le Monde d’une courte tête pour devenir médaille d’or des publications aidées par l’Etat (un peu plus de 16 millions d’euros chacun). Et Télé 7 jours… a gagné une place (9e en 2013, avec 6 947 000 euros, soit 27 000 euros de plus qu’en 2012).
Il faut féliciter l’Etat pour sa scrupuleuse impartialité : les publications les plus scandalisées par le montant des dépenses publiques, celles qui matraquent le thème du « ras-le-bol fiscal » et se montrent les plus enthousiastes quand les retraites sont gelées, n’ont pas pour autant été négligées par la « mama étatique » — une formule de l’hebdomadaire Le Point — lorsqu’elles ont tendu leurs sébiles en direction des ministères.

   Le Point, justement, a continué à toucher plus de 4,5 millions d’euros, soit 22 centimes d’aide du contribuable pour chaque hebdomadaire diffusé, bien que le titre appartienne à la famille Pinault, sixième fortune de France (11 milliards d’euros). M. Serge Dassault, cinquième fortune de France (12,8 milliards d’euros), sénateur UMP et propriétaire du Figaro, a reçu, lui, 16 centimes de l’Etat pour chaque exemplaire vendu d’un journal qui exalte les vertus de l’austérité budgétaire. Et c’est sans doute parce que le quotidien Les Echos appartient à M. Bernard Arnault, première fortune de France (24,3 milliards d’euros), que ce quotidien économique qui, lui aussi, peste sans relâche contre les dépenses publiques, n’a reçu en 2013 que 4 millions d’euros du contribuable...

   L’Opinion est ce quotidien lancé par M. Nicolas Beytout, avec des concours financiers dont la transparence n’est pas absolue, mais au service d’une ligne rédactionnelle qui, elle, ne laisse planer aucun mystère puisque c’est celle du Medef. La diffusion payée du journal de M. Beytout est confidentielle (de mille à trois mille exemplaires par jour en kiosques), mais sa seule survie permet à son créateur de naviguer d’une antenne à l’autre et d’être très généreusement cité dans la plupart des revues de presse. Ce qui, là encore, n’est pas donné à tout le monde.
Le ministère de la culture et de la communication, à qui il faut savoir gré de la publication, très pédagogique, du montant annuel des aides publiques à la presse, prétend que celles-ci « concourent à la modernisation et la diffusion partout dans le pays d’une presse pluraliste et diverse. »

   En nous versant un don, que vous pourrez partiellement déduire de vos impôts, vous disposez d’un moyen infiniment plus efficace de concourir à l’objectif que s’est assigné l’Etat — avec un humour qu’on ne lui soupçonnait pas…

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