mardi 17 juin 2014

Genre et terrorisme: Près de 300 filles détenues par Boko Haram

Près de 300 filles dans les mains de Boko Haram
Par Lamine Famara DIEDHIOU
ESSAI D'ANALYSE SUR LA PRISE D'OTAGE DES JEUNES FILLES PAR BOKO HARAM ET LEUR DROIT A L'EDUCATION

Introduction
Depuis plus de mois, le groupe islamiste Boko Haram du Nigéria, tient en otage, près de 300 adolescentes âgées de neuf à quinze ans. Le seul crime de ces filles c’est d’être à l’école. Boko Haram, dont le nom en langue haoussa signifie "l'éducation occidentale est un péché", est une organisation terroriste, qui vise à instaurer la loi islamique au Nigéria. Depuis 2009, début de son insurrection armée, le groupe  a multiplié les attaques contre les écoles. Mais l'enlèvement de ces jeunes lycéennes, suivi d'une revendication vidéo où Abubakar Shekau, chef de l’organisation, menaçait de les traiter comme des "esclaves", de les "vendre sur le marché" et de les "marier" de force, a scandalisé l'opinion internationale et a suscité une vague de solidarité. Cependant ce coup « d’exploit » de la secte Boko Haram pouvait être prévisible, d’autant plus que le groupe islamiste n’était pas à son premier essai de prise d’otage. Car, l’année dernière le groupe avait pris en otage une famille française, libérée trois mois après au Cameroun.
Ceci dit, comment est-on arrivé à ce stade ? En quoi l’éducation pour une fille, quelque soit son origine est un crime en soit ? Pourquoi plus d’un demi-siècle après l’adoption de la charte onusienne des droits humains, l’éducation des filles constitue encore un problème dans certaines contrées ?

Sur les récents événements au Nigéria, nous essayerons d’abord de voir comment le Boko Haram est parvenu à devenir un problème majeur. Ensuite se poser la question de savoir pourquoi les femmes constituent –elles des cibles en période de conflit. Et enfin, s’interroger pourquoi les conventions et autres pactes en matière de droits des femmes ne sont toujours pas respectés.

I-                   Boko Haram, une épine au pied du Nigéria
L’insurrection islamiste Boko Haram est fondée en 2002, par le prédicateur radical Mohamed Yusuf. Son principal objectif est d’instaurer la loi islamique au Nigéria. Au départ, le groupe, en dehors de ses sorties virulentes envers l’Etat du Nigéria, n’entreprenait pas des actions armées. Sa principale revendication est la création d’un Etat islamique dans le nord du Nigéria, à majorité musulmane.
Parmi les principales raisons qui ont poussé cette branche armée à se rebeller, peut-on noter l’extrême pauvreté qui existe dans la partie nord du Nigéria. Mais aussi, la présence des puits de pétrole dans la zone qui ne profitent pas directement à la population locale. Une situation qui a entrainé des frustrations et un sentiment d’abandon de l’Etat. Une situation idéale, saisie par Boko Haram pour se forger une idée et construire un discours plus ou moins nationaliste voire séparatiste. Le groupe propose ainsi de rejeter l’occident et toutes ses pratiques, car le considérant comme la racine de tous leurs maux. Les différents régimes qui se sont succédé au sommet de l’Etat ont plus ou moins minimisé le problème, en le réduisant en une simple rébellion interne. Cependant, depuis 2009, l'insurrection islamiste a fait des milliers de morts, dont près de 2 000, depuis le début de cette année. Aujourd’hui, le groupe  opère par des attentats à la voiture piégée et des kidnappings. C’est ce qui leur a fallu d’être catalogué finalement par l’Etat du Nigéria et des Etats Unis comme une organisation terroriste.

II-                Pourquoi s’en prendre aux Femmes ?
Depuis sa création, Boko Haram s’en prenait uniquement aux intérêts de l’Etat du Nigéria, ainsi que les intérêts des puissances occidentales. Des sabotages des pipelines de pétroles, aux affrontements contre l’armée nigériane, en passant par les attentats contre les missions onusiennes, en aucun moment, les femmes étaient ciblées. Cependant, le 14 avril dernier, à Chibok, environ 270 lycéennes sont kidnappées dans le dortoir de leur école par le groupe islamiste. En s’en prenant aux filles, les islamistes se sont trouvé une nouvelle arme de guerre. Et l’incroyable tapage médiatique qui s’en est suivi a contribué à renforcer leur image en publicité. D’ailleurs, le mouvement islamiste voudrait même échanger quelques filles contre leurs « frères », emprisonnés à Lagos.
 Et, faut-il le reconnaitre, au cours des conflits, la violence contre les femmes est souvent utilisée comme arme de guerre, pour déshumaniser les femmes ou les hommes et terroriser la communauté à laquelle ils appartiennent. Le viol et d’autres formes de violence sexuelle sont utilisés de façon ciblée pour semer la terreur.
Pour le cas des filles de Chibok les actes perpétrés par le groupe armé se soustraient complètement à la justice. Les auteurs ont agit par opposition et/ou par défi au pouvoir central. Ils n’ont que faire des lois et règlements, instaurant la citoyenneté, la démocratie et le respect de la dignité humaine, principalement celle de la Femme.
III-             L’éducation des filles n’est elle pas un droit acquis depuis longtemps ?
Les Nations Unies ont élaboré des conventions et autres pactes en matière de droit des femmes, afin de lutter contre la discrimination dont celles-ci sont encore l'objet et promouvoir l'égalité des droits entre les Hommes et les Femmes.
Parmi ces textes, nous avons la déclaration universelle des Droits Humains, la Convention sur 1’é1imination de toutes les formes de discrimination à 1’égard des femmes et la Convention contre la discrimination dans l'éducation adoptée le 14 décembre 1960. Nous avons aussi Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW).  Le but, c’est éliminer la discrimination et promouvoir l'égalité des chances et de traitement dans les domaines de l'Éducation.
Le terme discrimination inclut toute distinction, exclusion, limitation ou préférence qui serait basée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion... et dont l'effet annulerait l'égalité de traitement dans l'éducation. Donc, l’acte de Boko Haram avec ses intentions douteuses à l’encontre des filles enlevées n’est aucunement louable. Si l’on se réfère aux différents textes précités, leurs revendications déconstruisent tous les efforts entrepris pour l’égalité des sexes dans l’éducation.
Faut savoir également, que la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, tenue à Beijing en 1995, a réaffirmé que l'exercice des libertés fondamentales pour les femmes et les filles est une priorité pour les gouvernements ainsi qu'un facteur essentiel de la promotion de la femme. Elle a mis l'accent sur le fait que les gouvernements ou même les groupements rebelles comme Boko Haram, doivent non seulement s'abstenir de violations des droits fondamentaux des femmes, mais aussi s'employer activement à promouvoir et à protéger ces droits. Car, toutes les études ont montré qu’il est impossible de nos jours de parler de développement sans la présence des Femmes. Elles sont devenues des actrices incontournables à part entière dans les projets et programmes de développement. Donc c’est un paradoxe voire une utopie de vouloir réduire les femmes à l’esclavage comme le présume le groupe Boko Haram.

Conclusion
En définitive, nous estimons que, pour que les droits reconnus aux femmes soient effectifs, il faut que le cadre juridique de l'égalité entre les sexes soit renforcé un peu partout dans le monde, notamment au Nigéria. Et il doit se rapprocher des exigences des différentes Conventions et textes internationaux. Aussi, les mécanismes de sanction contre les atteintes aux droits de femmes doivent être améliorés et les tribunaux doivent se montrer plus enclins à garantir le respect de la législation sur le droit des femmes. Egalement, les gouvernements doivent reconnaitre la nécessité d'assortir leur législation de dispositions complémentaires, y compris de réformes sociales, pour assurer la réalisation des droits des femmes dans les faits.

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